De Montr\u00e9al \u00e0 la Floride, en passant par Boston et New York, le tournage du long m\u00e9trage documentaire Vann \u00ab Piano Man \u00bb Walls : L\u2019esprit du R&B, la premi\u00e8re \u0153uvre des Productions Mate et Orchard, a dur\u00e9 plus de deux d\u00e9cennies de 1990 \u00e0 2011. Il a englob\u00e9 les technologies analogique et num\u00e9rique, parcouru des dizaines de milliers de kilom\u00e8tres sur les routes et \u00e9puis\u00e9 la patience de bien des mordus du genre musical connu sous le nom de rhythm and blues, le p\u00e8re du rock and roll.<\/p>\n
En 1990, le r\u00e9alisateur et producteur Steven Morris a rencontr\u00e9 Vann \u00ab Piano Man \u00bb Walls. Ce dernier a d\u2019abord \u00e9t\u00e9 film\u00e9 dans un petit bar au centre-ville de Montr\u00e9al, mais la qualit\u00e9 de la captation laissait tant \u00e0 d\u00e9sirer qu\u2019elle a \u00e9t\u00e9 tout de suite \u00e9limin\u00e9e. Deux ans plus tard, en 1993, une \u00e9quipe de tournage professionnelle arm\u00e9e de deux cam\u00e9ras Super-16 et d\u2019un enregistreur 24 pistes portable a capt\u00e9 pour la post\u00e9rit\u00e9 les premi\u00e8res images de Vann Walls \u00e0 L’Air du Temps dans le Vieux-Montr\u00e9al. C\u2019\u00e9tait le d\u00e9but \u00ab officiel \u00bb du projet.<\/p>\n
La prochaine \u00e9tape majeure consistait \u00e0 filmer Vann avec le l\u00e9gendaire pianiste Mac Rebennack, alias Dr. John. Vann lui avait donn\u00e9 des cours de piano quand il \u00e9tait un musicien montant \u00e0 La Nouvelle-Orl\u00e9ans. En 1994, Dr. John s\u2019est produit \u00e0 la Place des Arts dans le cadre de l\u2019\u00e9dition annuelle du Festival international de Jazz de Montr\u00e9al. Vann voulait rencontrer son vieil ami pour \u00ab bavarder \u00bb, comme il l\u2019avait expliqu\u00e9 \u00e0 monsieur Morris. Les employ\u00e9s du Festival de Jazz ont \u00e9t\u00e9 tr\u00e8s accommodants et tandis que 2 800 spectateurs attendaient que commence le spectacle dans la Salle Wilfred-Pelletier, monsieur Morris et son \u00e9quipe de tournage ont immortalis\u00e9 la rencontre de ces deux grands musiciens assis au piano dans le Salon vert.<\/p>\n
Selon Steven Morris : \u00ab Le spectacle \u00e0 L\u2019Air du temps \u00e9tait un succ\u00e8s aux yeux de Vann, ainsi que sa rencontre avec Dr. John au Festival de Jazz. Vann s\u2019\u00e9tait un peu confi\u00e9 et il a commenc\u00e9 \u00e0 me faire confiance si bien qu\u2019il a enfin accept\u00e9 de m\u2019accorder une entrevue traditionnelle, chose \u00e0 laquelle il r\u00e9sistait depuis que j\u2019avais fait sa connaissance en 1990. \u00bb<\/p>\n
Cette entrevue s\u2019est d\u00e9roul\u00e9e dans un studio d\u2019enregistrement dot\u00e9 d\u2019un piano \u00e0 queue. Une fois termin\u00e9e, Vann se dirigeait vers la sortie lorsqu\u2019il a demand\u00e9 \u00e0 visiter la cabine d\u2019enregistrement. En regardant la console de 48 pistes, il a d\u00e9clar\u00e9 \u00e0 tous pr\u00e9sents qu\u2019il avait \u00ab un dernier album en lui \u00bb.<\/p>\n
En fin de compte, il s\u2019agit du tournage cl\u00e9 de ce projet puisque des ann\u00e9es plus tard dans une salle de montage, il serait d\u00e9cid\u00e9 que la structure narrative du documentaire serait \u00ab tiss\u00e9e \u00bb \u00e0 m\u00eame la mise en \u0153uvre de In the Evening, l\u2019album de Vann Walls.<\/p>\n
Avec du recul, le directeur de la photographie John Sleeman a dit de ce tournage : \u00ab C\u2019\u00e9tait une occasion en or de filmer la gen\u00e8se d\u2019un album, ce qui est rarement immortalis\u00e9. Et du point de vue visuel, je sentais que Vann et le piano \u00e0 queue sur lequel il jouait se compl\u00e9taient en fait d\u2019image. On aurait dit que Vann ignorait enti\u00e8rement ma pr\u00e9sence, alors il m\u2019a laiss\u00e9 le champ enti\u00e8rement libre lorsque je me pla\u00e7ais au-dessus et autour de lui au piano. \u00bb<\/p>\n
Louis Hone, l\u2019ing\u00e9nieur de son chevronn\u00e9, \u00e9tait si ravi de travailler \u00e0 ce disque qu\u2019il a \u00e9court\u00e9 ses vacances estivales pour capter la musique. \u00ab C\u2019\u00e9tait un honneur d\u2019enregistrer un pionnier du R&B, alors tous les participants ont fait de grands efforts. Le Stephen Barry Band, une bande d\u2019interpr\u00e8tes dou\u00e9s, a accompagn\u00e9 monsieur Walls, donc je savais que la s\u00e9ance d\u2019enregistrement serait g\u00e9niale musicalement parlant. Par la suite, j\u2019ai eu la chance de mixer l\u2019album aussi et le processus entier a \u00e9t\u00e9 un plaisir. \u00bb<\/p>\n
Tous ces \u00e9v\u00e9nements ont culmin\u00e9 avec la remise \u00e0 Vann Walls du prix Pioneer Award de la Rhythm & Blues Foundation \u00e0 New York en 1997. Aretha Franklin \u00e9tait la ma\u00eetresse de c\u00e9r\u00e9monie de la soir\u00e9e. Parmi les autres r\u00e9cipiendaires, il y avait Smokey Robinson et les Four Tops. Comme se le rappelle Steven Morris : \u00ab Un type formidable de CFCF-12 Montreal, le regrett\u00e9 Bill Merrill, m\u2019a fourni le financement pour le tournage de l\u2019\u00e9v\u00e9nement \u00e0 New York en \u00e9change d\u2019une licence pour une \u00e9mission t\u00e9l\u00e9vis\u00e9e d\u2019une heure. Sans son soutien, on n\u2019aurait jamais pu capter le tout. C\u2019est \u00e0 New York qu\u2019on a interview\u00e9 une vedette d\u2019Atlantic Records, Ruth \u00ab Miss Rhythm \u00bb Brown, Ry Cooder, qui faisait partie du groupe maison pour le gala, et plusieurs autres. \u00bb<\/p>\n
Au fil du temps, Vann Walls, qui avait alors plus de 80 ans, est devenu gravement malade et il a \u00e9t\u00e9 emport\u00e9 par un cancer en 2000. Cela a mis le projet en suspens puisque les investisseurs potentiels refusaient de toucher \u00e0 un documentaire au sujet d\u2019un musicien dont on parlait maintenant au pass\u00e9. Sans se laisser d\u00e9courager, Steven Morris a continu\u00e9 de filmer des gens qui ont jou\u00e9 un r\u00f4le important dans l\u2019histoire de monsieur Walls, notamment Jerry Wexler, l\u2019influent r\u00e9alisateur de disques chez Atlantic Records, et Howell Begle, un avocat sp\u00e9cialis\u00e9 dans le domaine artistique. \u00ab Il n\u2019\u00e9tait pas question que je fasse un film sur le R&B sans inclure Jerry Wexler \u00bb, a dit monsieur Morris.<\/p>\n
\u00ab En plus d\u2019avoir consacr\u00e9 l\u2019expression R&B, Jerry Wexler a aussi r\u00e9alis\u00e9 plusieurs enregistrements de Vann chez Atlantic Records dans le temps. Apr\u00e8s avoir refus\u00e9 pendant dix ans, il m\u2019a enfin accord\u00e9 une entrevue chez lui en Floride. En entrant dans son salon pour installer l\u2019\u00e9quipement, j\u2019ai vu des photos de lui avec Bob Dylan, Ray Charles et Sam Philips sur une table basse. Pour une raison quelconque, cela m\u2019a tout de suite mis \u00e0 l\u2019aise. \u00bb<\/p>\n
Au sujet de Howell Begle, monsieur Morris a d\u00e9clar\u00e9 sans \u00e9quivoque : \u00ab Howell \u00e9tait un type comme moi, un fan. Mais il a jou\u00e9 un r\u00f4le majeur dans la cr\u00e9ation de la Rhythm & Blues Foundation en repr\u00e9sentant b\u00e9n\u00e9volement plusieurs artistes R&B, alors il devait aussi \u00eatre inclus dans le film. Il a tout fait pour accommoder mon \u00e9quipe de tournage et moi dans sa r\u00e9sidence de Boston. \u00bb<\/p>\n
Il y avait toutes ces s\u00e9quences tourn\u00e9es, l\u2019\u00e9quivalent de plusieurs heures, qui amassaient la poussi\u00e8re dans un d\u00e9p\u00f4t professionnel.<\/p>\n
Voil\u00e0 que sont entr\u00e9s en sc\u00e8ne deux protagonistes essentiels : l\u2019homme d\u2019affaires torontois et producteur ex\u00e9cutif Peter Dowbiggin puis le producteur Martin Bolduc.<\/p>\n
Peter Dowbiggin a dit : \u00ab Je connais Steven depuis 1966. Quand on finissait de livrer les journaux, on allait acheter des 45 tours ensemble. D\u00e8s notre jeune \u00e2ge, l\u2019\u00e9tiquette rouge et noire d\u2019Atlantic Records, celle de Vann Walls, nous plaisait. On n\u2019a d\u00e9couvert Vann que des ann\u00e9es plus tard, mais c\u2019\u00e9tait emballant d\u2019apprendre qu\u2019un artiste qui avait aid\u00e9 \u00e0 \u00e9tablir le son d\u2019Atlantic vivait \u00e0 Montr\u00e9al. \u00bb<\/p>\n
Martin Bolduc raconte : \u00ab J\u2019ai rencontr\u00e9 Steven \u00e0 CKRL, une station de radio de Qu\u00e9bec. \u00c7a devait \u00eatre en 1986. Il faisait jouer du rock and roll durant son \u00e9mission, et moi, je passais du jazz dans la mienne. Nos atomes crochus nous ont rapproch\u00e9s. \u00bb<\/p>\n
Martin Bolduc, un producteur montr\u00e9alais laur\u00e9at des prix Grammy et Emmy, a cr\u00e9\u00e9 une promo de 20 minutes en 2009 avec certaines s\u00e9quences existantes. \u00ab Un jour o\u00f9 j\u2019ai d\u00een\u00e9 avec Steven, j\u2019ai d\u00e9couvert que ce qu\u2019on appelait \u00e0 l\u2019\u00e9poque le projet \u00ab R & B \u00bb \u00e9tait pour ainsi dire en suspens. J\u2019ai regard\u00e9 Steven et je lui ai d\u00e9clar\u00e9 que le contenu \u00e9tait important et qu\u2019il fallait le terminer. \u00bb<\/p>\n
Cette promo a incit\u00e9 Peter Dowbiggin \u00e0 investir dans le projet en 2010. De longues discussions se sont ensuivies entre Martin Bolduc, Peter Dowbiggin et Steven Morris au sujet de ce documentaire qui serait une capsule musicale historique, un film sur le respect et sur un homme qui l\u2019obtenait enfin.<\/p>\n
Impr\u00e9gn\u00e9e notamment de ces concepts, la production est pass\u00e9e \u00e0 l\u2019\u00e9tape du montage. Cela a pris un an par intermittence, en raison de complications quant aux droits musicaux et aux droits de films d\u2019archives essentiels, mais le tout a pris forme petit \u00e0 petit. La monteuse exp\u00e9riment\u00e9e Heidi Haines se souvient d\u2019avoir cr\u00e9\u00e9 un environnement de travail chez elle : \u00ab C\u2019\u00e9tait la premi\u00e8re fois que je montais un film dans mon bureau. J\u2019adorais le fait de pouvoir travailler \u00e0 ma guise et de partager cette tranche d\u2019histoire de la musique avec mon fils adolescent. Vann a un charme irr\u00e9sistible. Cela me fascinait de voir cet homme \u00e2g\u00e9 et fr\u00eale se transformer en artiste puissant et dynamique d\u00e8s qu\u2019il s\u2019assoyait au clavier. Il m\u2019a divertie tout au long du processus. La premi\u00e8re version mont\u00e9e \u00e9tait longue, alors on a pris notre temps pour l\u2019\u00e9purer. \u00bb<\/p>\n
La derni\u00e8re \u00e9tape majeure \u00e9tait celle du mixage de la musique qui est primordial pour ce type de film. Daniel Toussaint, un ing\u00e9nieur de son d\u2019une grande exp\u00e9rience et un collaborateur de longue date de Martin Bolduc, a \u00e9t\u00e9 choisi. \u00ab Comme bien des gens qui ont travaill\u00e9 au projet, je savais qu\u2019Atlantic Records, cette petite maison de disques ind\u00e9pendante fond\u00e9e dans les ann\u00e9es 1940 \u00e9tait devenue une m\u00e9ga soci\u00e9t\u00e9 avec des artistes tels que les Stones, AC\/DC et Led Zeppelin. Apr\u00e8s avoir \u00e9t\u00e9 invit\u00e9 \u00e0 assister \u00e0 un des premiers visionnements en 2012, je voulais absolument prendre part \u00e0 ce film. \u00bb<\/p>\n
\u00c0 l\u2019automne 2013, apr\u00e8s toutes ces ann\u00e9es, de nombreuses r\u00e9unions, autant de discussions et d\u2019innombrables heures de travail, la version finale a vu le jour. Le documentaire est devenu une r\u00e9alit\u00e9. Et comme dit l\u2019expression, le reste appartient \u00e0 l\u2019histoire\u2026 de la musique.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"
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